Aujourd’hui, c’est Histoire ! 1ière Partie : Rossellini

Publié le par Wolf Tone

C’est bon, z’êtes installés ? Bbbiieeennn… Alors, la dernière fois, on a rapidement parlé de Chaplin et de son « Dictateur », voui… Mussolini et les studios de Cinecittà, voilà… Et ? Et pis c’est tout. Ok. DONC, on retourne plus de 60 ans en arrière, dans les ruines de Rome…

 

Dès les premières images de « Rome, ville ouverte », Rosselini est obligé de mettre les choses au point : les faits relatés durant les 1 h 40 du métrage sont inspirés de faits réels, mais ne sont pas la réalité. Faut pas oublier que la Guerre est toute fraîche, et qu’il n’est pas si simple d’en parler… En même temps, le film colle tellement aux faits qu’il en est presque un documentaire. Le personnage de Pina est un hommage direct à Teresa Gullace, une Romaine, dont le meurtre par les allemands eut un retentissement énorme en Italie, et celui de Manfredi est presque un copié-collé du partisan Cesare Negarville. D’ailleurs, avant de faire le choix de la fiction, Rosselini pensa faire un doc sur le prêtre Don Giuseppe Morosini ( cf le personnage de Don Pietro ), ou sur les enfants entrés en Résistance ( d’où le rôle crucial des mômes dans « Rome, ville ouverte » ).  Du coup, lorsque le film sortit, on parla d’ « actualité immédiatement reconstituée ». Le cinéaste est engagé, son film est un splendide réquisitoire contre le nazisme, et pourtant…

 

Pourtant, Rossellini a un passé ambigu : ami de Vittorio Mussolini, premier film ( « Le navire blanc » 1941 ) parrainé par le centre audiovisuel de propagande de la marine italienne, il en réalisa par la suite deux autres qui forment en tout ce que certains appèlent sa Trilogie Fasciste ( avec « Un pilote revient » 1942, et « L’Homme à la croix », 1943 ). Mais impossible de mettre en doute l’honnêteté de sa démarche à la vue du résultat final. D’ailleurs, le premier plan est là pour lever toutes interprétations possible : de nuit, sur fond de ruines, une patrouille nazie traverse le cadre au son d’un air martial sifflet avec entrain. Aucune fioriture de mise en scène, et décors réels d’une Rome détruite : le coupable est clairement identifié, rejoint plus tard par les miliciens, les Chemises Noires… Alors quoi ? Que de lacunes, mes ami(e)s, que peut être vous pouvez m’aider à combler… M’enfin, bon, retour à l’essentiel, retour au film…

 

Rome, hiver 1944. Un ingénieur communiste, Giorgio Manfredi, tente d'échapper aux Allemands qui occupent la ville. Il se réfugie chez un ami, Francesco, dont la fiancée, Pina, le met en contact avec le curé de la paroisse Don Pietro. Les trois personnages principaux, Manfredi le résistant, Pina la femme forte et Don Pietro l’ecclésiastique, permettent au cinéaste de toucher les pierres angulaires de la Résistance Italienne au nazisme : Manfredi est membre dirigeant du Comité de Libération Nationale, Don Pietro représente la Démocratie Chrétienne ( elle même membre du CLN ), et bien entendu la femme romaine, Pina, la matronne gardienne du foyer. Manque à l’appel la jeunesse italienne, pas celle des milices fascistes, mais ces enfants de la résistance, ces gosses quasiment nés dans la violence.

Rossellini a donc ses trois grands groupes bien visibles ( les hommes de la Résistance, les femmes et les enfants ), et passera l’ensemble du film à les faire s’interférer, et combattre l’Ennemi, qu’il soit Nazi ou Fasciste. L’amour de Pina pour Francesco provoquera sa perte, alors que celui de Marina la poussera à la délation. L’acte de Résistance des enfants contre les réservoirs d’essence provoquera la rafle ( donc la mort de Francesco ), mais c’est le don de l’écharpe par le petit Marcello qui le retardera, donc lui sauvera la vie. Tout s’entremêle, chaque pouvant à n’importe quel moment être le salut ou la chute de l’autre. Et chaque mort, chaque meurtre, alimente un désir de vengeance immense. Ce sera à Hartmann, officier allemand au regard bien trop lucide pour le Sturmbahnfuhrer, de le verbaliser :

 -          Nous ne savons que tuer, couvrant l’Europe de cadavres. Et, de ces tombes, naît la haine, la haine, partout la haine ! Nous serons anéanti par la haine…

 

A ce ton définitivement ancré dans le présent de l’Histoire ( c’est clair ? J’sais plus trop, là… ), le cinéaste va apporter la forme qui lui convient le mieux. Entre obligation ( l’Italie n’a presque plus de techniciens ou de comédiens ) et volonté narrative, le réalisateur monte son casting presque uniquement avec des acteurs non professionnels ( la splendide Anna Magnani n’avait alors tourné qu’un seul film ), voire des quidams trouvaient dans la rue, et se sert au maximum de la lumière naturelle et de matériel de prise de vue léger, facilement transportable d’un décors à l’autre. La totalité des séquences de rues sont du coup tournées caméra à l’épaule, dont celle, entrée dans la légende, de la mort de Pina. Ou ce plan magnifique des enfants descendant une petite colline, éclairés par les flammes de l’explosion des réservoirs d’essence. Rossellini filme vite mais bien, achetant sa pellicule aux soldats américains qu’il croise, vendant tout ses biens pour pouvoir terminer son œuvre.

 

Lorsque « Rome, ville ouverte » sort, le succès est immédiat, et le film remporte le Grand Prix du Festival de Cannes en 1946. Il est le représentant d’un réalité que d’autres cinéastes avaient abordé soit avant ( « Espoir » d’André Malraux, plus proche du montage d’images de reportage, filmé en 1939 mais présenté en 1945 ), soit quasiment en même temps ( « La bataille du rail » de René Clément ) que Rossellini. Il est surtout une date dans l’Histoire du cinéma, un repère dans sa chronologie, d’où partent les révolutions à venir…

Whouaa, ça, c’est de la fin… Bon, allez, la prochaine fois, on s’apercevra comment le petit écran et deux films amateurs vont chambouler tout ça, et donner naissance au Nouvel Hollywood… Vous vous languissez, pas vrai ? Ah, ça fait plaisir… Ah, j’allais oublier : chose promise chose due, le bon point des Demoiselles ! Et soyez sages en sortant !

Publié dans Les Incontournables

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W
M. 16ames, vous avez dû passer de la moquette aux tapis en babou... Mais votre commentaire, de la part d'un confrère, m'a simplement emplis de fierté ! Peut-être, un jour, voudriez vous nous concocter un " billet " sur le sujet de votre choix ? Ce serait un honneur. Bien à vous et votre dame !
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*clap*clap*clap* et chapeau bas, m'sieur Wolftone!<br /> A quand une projection privée dans votre petite salle de 175m2 se situant dans l'arrière cour de votre loft?<br /> Rossellini avec un cigare et un martini gin en compagnie d'un esthète de votre niveau pour une leçon de cette qualité! Le rêve, quoi...<br /> Je ne peux vous cacher à quel point j'attends la suite avec impatience!
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