Aujourd’hui, c’est Histoire ! Introduction

Publié le par Wolf Tone

Bon, assez rigolé les gars. Va falloir parler sérieux un peu. Je me suis rendu compte que deux noms reviennent sans cesse dans le blog : Paul Greengrass et Peter Watkins. Chaque film historique, ou ancré dans une réalité sociale, a droit à sa comparaison avec le travail de ces deux grands. Et d’un coup, j’ai réalisé qu’à force de ne parler que d’eux, ben je donnais l’impression qu’il n’y a rien eu avant. Alors comme je ne peux vraiment pas compter sur vous pour me reprendre, j’ai décidé ( c’est mon blog, z’avez rien à dire ) de rendre à César ce qui lui appartient. Histoire et cinéma, c’est le grand amour depuis la naissance du second. Peut être pas le plus sexy des sujets, certainement pas le plus drôle, mais indiscutablement un des plus passionnants. Vous me croyez pas, bande d’incultes ? Ben vous allez voir ce que vous allez voir. Toi,
au fond, éteint la lumière, ça commence…


Il y a une phrase de Antoine de Baecque ( auteur de L’Histoire-caméra et ancien rédacteur en chef des Cahiers du cinéma ) qui résume particulièrement toute la puuiisssaannccee des trois films que je vais prendre pour exemple : « Tout film historique est à voir au présent, et c’est cette temporalité-là qui établit un véritable lien entre cinéma et histoire. » Ben ouais, j’lis pas que Mad Movies ou Hot Vidéo… DONC, filmer le passé sans le remettre dans un contexte contemporain, c’est le figer comme une pièce de musée. Du coup, on va zapper allègrement le cinéma d’avant la seconde guerre. Mais pas sans raison, hein, me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. C’est juste  qu’avant 39-45, il était soit un cinéma d’actualité, soit un cinéma de reconstitution, voire de propagande. Des Vues des frères Lumières, qui mettront sur pellicule le présent et serviront de témoignages aux générations futures, aux films de David Wark Griffith ( dont le plus célèbre, « Naissance d’une nation », 1914, a presque la gueule d’un film de commande à la gloire de la toute jeune République américaine ), en passant par les œuvres de propagande russes de Serguei Einsenstein (« Le cuirassé Potemkine », 1925, ou « Octobre », 1927), les films d’avant guerre n’avaient soit qu’un lien tronqué avec la société ( re-construction historique, outil d’état ), soit un regard uniquement posé sur l’instant ( films-actualité, qui perdurèrent jusqu’aux années 50 ).

 

Non, le véritable coup de départ va venir d’un exilé européen, un enfant de la balle : ce sera le « Le Dictateur » de Chaplin. Présenté à New York le 15 Octobre 1940, en plein conflit, alors que les américains comptaient bien s’en tenir à l’écart, le film est le premier à faire l’Histoire. Parce que le Vagabond avait finalisé son scénario en 1938, et que déjà la rumeur ( le scandale ? ) parlait d’un film mettant en scène un personnage inspiré d’Adolph Hitler. Du coup, voilà notre génie du burlesque qui anticipe sur les faits, et se met à faire l’Histoire, tout en étant entièrement attachée au présent. Basé sur un travail de documentation énorme, le film joue beaucoup sur le doute : qui fait réellement rire ? Le Vagabond, ou le Dictateur ? A qui appartient donc cette moustache ? Le grand Charlie retourne les règles du film de propagande, et fait entrer Histoire et Présent dans les salles noires. Manque alors plus qu’une petite ( qui s’avèrera grande ) révolution de la forme.  Et là aussi, c’est la 2nde Guerre Mondiale, par la force des choses, qui va venir tout chambouler…

 

Retour en Europe, dans le cœur du chaos. En Italie, Mussolini met 10 ans avant de comprendre l’importance que le cinéma peut avoir dans sa dictature : en 1932 il créé le 1er Festival International de cinéma, la Mostra de Venise, et fait construire les plus importants studios d’Europe, à Cinecittà, près de Rome. Ben ouais, c’est bon de savoir que ces deux institutions furent créées dans l’unique but de promouvoir le fascisme… Mais l’homme qui donna autant de moyen aux cinéma italien pour mieux le formater fut aussi celui qui provoqua la naissance d’un mouvement déterminant, qui justement, allait faire éclater les règles : le néoréalisme. Car si le Duce donna les moyens techniques, la Guerre les détruisit presque dans leur totalité, provoqua l’exil en masse des techniciens, des comédiens, des cinéastes, et fit arrêter les autres. Le cinéma sort alors des studios, travaille dans l’urgence de vouloir mettre en image l’actualité brûlante. Premier à tourner hors des lieu du pouvoir fasciste,  Luchino Visconti, avec « Ossessione » ( 1943 ) raconte la vie quotidienne, montre une auberge miteuse en opposition avec le clinquant des studios. Ce fut d’ailleurs son chef monteur qui qualifia en visionnant les rushes le film de néoréaliste. Mais ce dernier, bien qu’ancré dans une époque, n’est pas à proprement parlé historique. Par contre, à peine 2 mois après la chute du Régime et la libération de Rome, Roberto Rosselini, aidé à l’écriture par Federico Fellini, se lance dans un hommage aux résistants italiens, travaille avec les moyens du bord et le refus des techniques et des formes en rigueur. Il veut son film dépouillé, pauvre, il le veut en accord direct avec le temps et l’histoire toute fraîche d’une guerre qui n’est pas fini. De part sa forme imposée par l’histoire ( la guerre qui détruit les moyens techniques et la volonté d’être dans la réalité de cette destruction ), et le sujet du film ( la résistance à une guerre toujours en cours ), « Rome, ville ouverte » est l’acte de naissance du film historique tel que décrit par Antoine de Baecque, tel qu’il le sera dans les générations futures…

 

C’est bon, tu peux rallumer. J’vais tout de même pas entamer la suite, j’vois bien que votre attention a des limites. Mais comme vous avez été bien sage… Quant à vous, mesdemoiselles, votre tour viendra !

Publié dans Les Incontournables

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