Critique " Vinyan "

Publié le par Wolf Tone

Fabrice Du Welz n’est pas tranquille. Quelque chose a dû se passer durant sa tendre enfance, un truc moche, un truc à vous rendre schizophrène.  Après un « Calvaire » et sa déliquescence certes fort bien foutue mais un chouia déprimante, il enfonce le clou avec ce « Vinyan », ode à l’absence, au deuil impossible, donc à la folie.


« Incapables d'accepter la perte de leur fils dans le Tsunami de 2005, Jeanne et Paul sont restés vivre en Thaïlande. S'accrochant désespérément au fait que son corps n'a pas été retrouvé, Jeanne s'est persuadée que son enfant a été kidnappé, dans le chaos qui suivit la catastrophe... qu'il est encore vivant. » J’espère qu’il n’y a pas de droit d’auteur sur les résumé d’Allociné, sinon j’suis ruiné à vie… Le couple Behlmer ( en l’occurrence une Emmanuelle Béart pour le coup excellente, et un Rufus Sewell au diapason ) sont en fait les personnages physiques donnant la réplique silencieuse à deux autres protagonistes muet mais terriblement présent : la Nature et Joshua, le fils disparu.

La première est non seulement la raison du malheur, mais aussi son lieu. Gaffe à vous : Du Welz nous présente sa vision du Tsunami lors du générique en début de film, et elle est tétanisante. Et pour bien nous faire comprendre que c’est de lui que tout est parti et que c’est en lui qu’il faudra attendre une fin, il nous donne comme premier plan une magnifique Emmanuelle Béart sortant de la mer en parfaite sirène… Dès lors, la nature ( et principalement l’eau ) ne nous quittera plus : pluies, rivières, boue, le raz de marée s’invite tout au long du métrage, qu’il baigne dans une mélancolie collant à la peau. Même les superbes paysages de la Thaïlande ( magnifique boulot de Benoît Debie )sont toujours nimbés de brume… Normal dès lors que la fin soit couverte de boue, et que Jeanne et Paul ne puissent faire définitivement leur deuil.

Le second, bien évidemment, n’existe qu’à travers les 3 autres. C’est fou comme l’absence rend le disparu 20 fois plus présent. Il est à la fois le moteur de l’action, mais aussi la cause de la chute. C’est certainement le traitement du deuil par le réalisateur qui fait la force incroyable du film. Les moments de crise entre Jeanne, persuadée que son fils est toujours en vie, et Paul, qui n’y croit plus, mais est prêt à tout pour sa femme, sont tous de grands moments de douleur. Inutile d’avoir connu la perte d’un être cher pour en ressentir la palette des sentiments : tristesse, doute, espoir, douleur. A tel point que le film est certainement un des plus difficiles à endurer que je connaisse. Tant que Du Welz reste dans le drame psychologique. Tant qu’il parle de réalité.


Car la fin nous entraîne ailleurs, dans un monde fait de démons ( les fameux Vinyans ), des enfants morts lors du Tsunami et qui sont accrochés à la Terre par la violence de leur disparition. Effrayant à chacune de leurs apparitions, ils sont juste « autre ». Symbole ou fragment de l’Au delà, ils ne portent pas la même charge émotionnelle que la simple description de l’atroce vie d’un couple en deuil d’un enfant. La bascule d’un monde à l’autre est pourtant réussie, la fin nous laisse dans l’inconfort certainement voulu par le cinéaste, mais jamais les 20 dernières minutes n’arrivent pourtant à supplantées les 1 h 10 précédentes. Même thématique, même personnages centraux, même classe de la mise en scène… Alors peut être est ce que le surnaturel n’illustre pas avec assez de force la folie de Jeanne ? De ma part, vous vous doutez bien que je ne crois pas à cette hypothèse. De plus, cette partie du métrage comporte certainement les plus belles images du film ( dont l’arrivée du couple dans un immeuble en ruine au cœur d’une nature portant encore les stigmates de la catastrophe ). Non, là, franchement, je ne sais pas : quelque chose se casse dans cette fin, quelque chose dû à un changement de rythme, à l’apparition de l’élément surnaturel, quelque chose qui nous coupe de Jeanne et Paul.

Mais tout ceci est totalement subjectif. Car Du Welz nous sert un tout cohérent et doté d’une véritable âme. Et si cette fin n’est qu’une histoire de goût, au lieu d’une histoire de scénar’ bâclé ou de twist invraisemblable, ce n’est du coup pas un défaut, juste une différence de point de vue. Le film reste une réussite, un drame atroce avec de la douleur à fleur de peau…

Publié dans Critique Cinéma

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