James, Joaquin : my two lovers...

Publié le par Wolf Tone

Non, je ne ferai pas mon coming-out. Non, vous ne me ferez pas dire que je suis un zomosexuel. Même si je déclare une nouvelle fois ma flamme à un homme, même deux, NON, je n’en suis pas… et pourtant. Car, tout comme j’aime Clint Eastwood, j’aime James Gray. Et j’aime aussi Joaquin Phenix. Depuis « The Yards », « We hold the night », et aujourd’hui « Two lovers ». Et que Dieu me vienne en aide, j’aime sincèrement ces deux hommes. Voilà, c’est dit. Le regard de l’un filmé par celui de l’autre, c’est une double preuve que la sensibilité faite homme existe. Alors, oui, Gray abandonne son domaine de prédilection qu’est le film noir, mais il nous démontre ainsi que son style, son âme n’est pas définitivement lié à un genre ultra-codifié. Tout comme Paul Thomas Anderson avec « Punch Drunk Love », James Gray s’empare d’un autre univers dont on semblait connaître tous les mécanismes, la comédie sentimentale, pour mieux le ramener à sa propre vision de l’homme. Et dans les deux cas, elle est plus complexe que l’à priori ne le laisse imaginer.
Mais bien plus que chez Anderson, c’est d’abord l’univers visuel de Gray qui se met en danger en quittant l’écrin des drames qu’il surlignait jusqu’à présent. Retrouver la lumière naturelle pour un cinéaste qui préparait ses ambiances comme un peintre réfléchit l’exposition de son œuvre ( à savoir en jeu d’ombre et de lumière, en profondeur, en chaleur ), c’est risquer de perdre un peu de la magnificence que ses plans, dans ses films précédents, parvenaient à atteindre. Premier soulagement : Gray n’a strictement rien perdu de son pouvoir d’enchantement. Mieux, en tournant beaucoup plus en extérieur, Gray coupe l’herbe sous les pieds à ses détracteurs qui ne voyaient en lui qu’un artiste maniéré, voire surfait. Car en limitant le nombre de ses plans-peintures, le réalisateur multiplie la puissance des rares qui traversent le film : premier plan superbe de Joaquin Phenix marchant, hagard, sur une jetée, avant une nouvelle tentative de suicide ; gros plan du coup de poignard qui prend la forme d’une caresse de la main d’Elias Koteas sur le visage de Gwyneth Paltrow ; l’arrivée de la même Gwyneth dans un couloir sombre, au ralenti, sans que ses pas ne se fassent entendre ; et encore elle, sous l’étreinte de Joaquin Phenix, lançant un regard caméra qui nous scotch au siège, tant il est chargé de solitude, de tristesse. Gray égraine son film de fulgurances qui gagnent, de part leur nombre limité, un sens encore plus fort. Comme un certain Clint dans son dernier film…
L’autre crainte légitime du spectateur est de ne pas retrouver dans cette histoire de triangle amoureux ( Joaquin Phenix / Leonard Kraditor, jeune juif dépressif promis à la belle Vinessa Shaw / Sandra, tombe complètement sous le charme de la belle et libre Gwyneth Paltrow / Michelle ) la puissance tragique de ces trois précédents chefs d’œuvre. Là, le débat reste ouvert : doit on attendre d’un cinéaste qu’il répète ad vitam aeternam la recette de ses succès ? Le plus important n’est il pas que l’artiste garde son empreinte, son identité, et ce quelque soit le genre auquel il se frotte ? James Gray a toujours les mêmes obsessions : le libre arbitre, le poids des communautés, la solitude de l’instant du choix. La fusion des teintureries de son père avec celle de son futur beau-père est une réussite qu’il ne doit pas foutre en l’air. Et même si Michelle est une promise de rêve, Leonard, cet espèce de mort vivant qui survit depuis sa séparation d’avec son ancienne fiancée, aspire à la liberté, à la passion que représente Michelle. De la même manière que le Joaquin Phenix / Bobby Green de « We hold the night » fuyait le carcan policier de sa famille, Leonard ne peut pas renaître s’il reste dans celui de sa communauté juive. Il devra prendre cette décision seul, s’inscrivant dans la lignée des personnages de la filmographie de Gray, Bobby Green, mais aussi Mark Wahlberg / Leo Handler de « The Yards », ou Tim Roth / Joshua Shapira dans « Little Odessa », prouvant que ce prodige du cinéma américain garde une cohérence à toute épreuve dans son travail.
Alors si on ajoute un casting toujours aussi parfait ( au milieu des deux femmes en miroir, la blonde et écorchée Gwyneth Paltrow, et la brune équilibrée Vinessa Shaw, se trouve peut être la plus importante de toutes, la mère, campée par Isabella Rosselini, alors que le père est joué par Moni Moshonov, déjà père de substitution du même Joaquin Phenix dans « We hold the night » ), une place toujours aussi importante réservée à la musique ( l’opéra, mais aussi une séquence en boîte de nuit qui en plus de faire écho au night club de son précédent film, rappelle, la gaucherie de Leonard en plus, les pirouettes de Travolta ), c’est sans la moindre difficulté que « Two lovers » s’intègre à une carrière sans faute, un parcours de prodige. A croire que James Gray pourrait faire un film de science-fiction ou d’épouvante qu’il garderait intact son âme. Comme un certain Stanley… Prochaine étape : une biopic de l’explorateur britannique Percy Harrison Fawcett, avec Brad Pitt en tête d’affiche. Et ma main à couper que Wolf Tone aura alors l’occasion de prouver qu’il n’a jamais tort.
Difficile de ne pas l’aimer, hein, le beau James ? Et le pire reste à venir : la semaine prochaine, c’est au tour de Steve McQueen, le réalisateur de « Hunger », un premier film qui fait déjà office pour beaucoup d’œuvre majeure. Et là, en plus, il est noir… Ma louve, t’es où ?

Publié dans Critique Cinéma

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Mais quelle 'rosse tafiole ce Wolftone!<br /> :p<br /> :)<br /> :D
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