Buenos dias, je m'appelle Inigo Montoya...

Publié le par Wolf Tone

Y a plus de jeunesse. Non, c’est vrai, les enfants d’aujourd’hui apprennent la vie en jouant à GTA, écrivent dans un langage 1konu, et dessinent des carrés en guise de poissons, qu’ils ne connaissent que panés… Tout juste arrive t il à kiffer leur race lorsqu’une truie retouchée au scalpel tortille du cul en braillant des inepties… Mais qu’est ce qu’on leur offre comme possibilité d’enrichir leur culture ? Des binoclards juste bon à baffer, des films ramenant leur QI à un niveau digne de la maternelle, de la bouillie en gros ( hormis peut être quelques trucs du style « Pirates des Caraïbes » et « Spiderman », mais si rares… ). Pourtant, il y a longtemps, dans une galaxie lointaine, un homme montra la voie à suivre, un artisan du sentiment humain, un véritable orfèvre travaillant la société avec sa caméra, comme Gary Kurtz, John Hugues ou John Landis, pour l’offrir aux enfants que nous sommes tous. Ce grand monsieur tombé un peu dans l’oubli ( d’un autre côté, il ne retrouva plus sa sensibilité des années 80 ) s’appelle Rob Reiner, et il nous donna un film à la fois beau et drôle, une déclaration d’amour pour les belles histoires que les grands pères racontent à leurs petits enfants avant qu’ils ne s’endorment, pour la transmission orale de la culture qui déjà, en 1987, commençait à disparaître au profits des jeux vidéos et autre soi disant progrès…

Pour une fois, un résumé Allociné n’est pas trop pourri : « Non seulement c'est un petit garçon mais en plus il est malade et doit écouter les grands, et surtout subir un grand-père qui se met en tête de lui raconter un conte de fées aux antipodes de Superman ! Il était une fois une blonde princesse, Bouton d'Or, au pays imaginaire de Florin, amoureuse de son garçon d'écurie... » Ce postulat de départ ( un garçon jouant à un jeu vidéo est obligé d’arrêter sa partie pour écouter son grand père lui raconter une histoire ) est le moyen le plus direct pour Rob Reiner de faire passer son message : revenons à l’imaginaire, ramenons nos bambins vers le merveilleux, apprenons leur le plaisir de se modeler des souvenirs qui soient nés de leur divagations rêveuses ! L’idée du scénario est ici un message en soi, simple et efficace. Entre d’autres mains, elle aurait pu nous donner une fable gentillette de plus, mais il est question alors d’un homme au sommet de son art. Lorsque « Princess Bride » sort en 1987, Rob Reiner nous a déjà livré le génial faux documentaire « Spinal Tap » et l’une des meilleurs adaptation de Stephen King à ce jour, le fabuleux « Stand by me ». C’est surtout à ce dernier que son prochain film s’affiliera : après avoir disséqué avec une énorme tendresse les rapports entre enfants ou ados, Reiner leur servira un hymne à la féerie, avec le même amour et, surtout, le même respect.


Servi par un casting associant 2nd rôle de classe ( Peter Falk en grand père, Billy Crystal en Miracle Max ) et premier rôle beaucoup moins connu ( dont la toute pimpante Robin Wright ), le réalisateur va très rapidement quitter le monde contemporain pour nous embarquer dans dans celui de l’Héroic Fantasy. Mais le voyage ne se fera pas sans embûches : à peine l’histoire lancée, voilà notre morveux ( Fred Savage, le futur Kevin de la série culte « Les années coup de cœur » ) en train de se plaindre à la première trace de romantisme. La voix off du gosse nous arrache, exaspérante, de ce monde merveilleux, pour mettre le doigt sur un des fondamentaux de l’enfance : la gêne face à l’amour, aux baisers, aux filles. Fierté infantile mais existentielle, trouille avant de connaître et reconnaître l’Autre, Reiner sait ce sur quoi les mioches bug. Et le grand père aussi : s’attendant à la réaction de son petit fils, Peter Falk joue le jeu, lâchant un peu de leste afin de ne pas refroidir ce début d’intérêt. D’ailleurs, l’amour ne se dit pas par un « Je t’aime » bien trop perturbant, mais par un « Comme vous voudrez » plein de tendresse. L’amour se retrouve ainsi modeste bien qu’immense, et beaucoup moins gênant à avouer pour l’enfant. De plus, l’important, c’est aussi d’attirer le petit fils dans ce voyage périlleux, plein de géants, de monstres et de combats à l’épée… Et une fois le poisson ferré, ce sera le grand père lui-même qui arrêtera son récit, au moment où la belle Bouton d’Or est mortellement en danger ! Réaction immédiate de l’enfant : pourquoi t’arrêtes tu ?!? Bien que le jeu se renouvellera par la suite, Reiner n’a plus à trop en rajouter, le message est reçu 5/5…



Nous voilà donc dans une histoire de Grand Amour, avec Wesley, le garçon d’écurie devenu pirate, Inigo Montoya le Tueur et Fezzik le Géant, deux truands au grand cœur, et les méchants, le Comte Ruggen, meurtrier du père d’Inigo, et le Prince Humperdick, l’homme qui vola Bouton d’Or à Wesley. Manichéenne en diable, sans ombre, le conte de fée n’a aucune finesse… en apparence. Musique assez basique, personnages soit noir, soit blanc, le film cherche avant tout à atteindre les plus petits, avec des situations ultra classiques et des rapports humains limpides. L’Amour y tient la place principale, la beauté de Wesley et Bouton d’Or est parfaite, bref, Reiner veut avant tout amener la notion de sentiments aux jeunes qui, comme le petit fils, sont bien trop fier pour admettre être touché. Mais s’il en était resté là, le film aurait très certainement raté le coche. Reiner y ajoute ce qui va faire du film une œuvre véritablement culte : un humour à deux degrés de lecture. Excessivement doué pour la légèreté ( il nous le prouvera dès son film suivant, « Quand Harry rencontre Sally », soit la plus grande comédie sentimentale existante ), le réalisateur plonge son histoire dans un ton bon enfant, sans jamais tomber dans le gag facile. Spécificité du cinéma dit « familial » de cette époque, beaucoup plus intelligent qu’il n’y parait ( remember les comédies pour ados de John Hugues, mais aussi les films familiaux  vraiment satirique de Joe Dante ou la folie un brin irrévérencieuse du Spielberg de « 1941 » ), l’humour à double tranchant de « Princess Bride » n’existe que par la qualité des personnages du film. Sans l’empathie créée en temps records autour, entre autre, d’Inigo ( par le biais du duel le plus fairplay de l’histoire du ciné ! ) ou Bouton d’Or ( superbe Robin Wright… ), rien dans les traits d’humour n’aurait été efficaces. Pas de gags lourdauds, énormément de sensibilité, l’honnêteté et le respect du public est au centre de la réussite de ce bijou.

Mais Reiner n’est pas le réalisateur de « Spinal Tap » pour rien : sans crier gare, de temps à autre, il va un peu plus loin, lâche la bride dans les dialogues, clin d’œil aux adultes et avertissement aux enfants ( la vie c’est beau, mais pas que ). La cassure la plus importante ( mais aussi la plus fluide ) est certainement un nouvel arrêt de la narration par le petit fils, cette fois pour ne pas vivre l’injustice du mariage de Bouton d’Or et du Prince Humperdick. Peter Falk réponds alors un simple « La vie n’est pas toujours juste », préparant le gosse ( et le spectateur ) à un véritable écart de langage de la part d’une vieille femme à l’arrivée de la future Reine. Sans être interrompu par qui que ce soit, la paysanne la traite littéralement de putain, de garce et autres joyeusetés. Bien que n’étant qu’un rêve, cette courte séquence est un petit électrochoc qui sera réitéré par la suite par Inigo déclarant au meurtrier de son père, implorant de lui laisser la vie sauve : « Je veux que tu me rende mon père, fils de pute », ou Wesley traitant le Prince Humperdick de misérable petite merde… Glaçant à chaque fois, ces coupures apparemment impromptues ramènent une part de réalité dans le monde idyllique du conte de fée.

Alors malgré la mise en scène, très classique, la musique assez cheap, et un manque de moyen évident vu l’ampleur du projet, « Princess Bride » écrase littéralement la quasi-totalité des films jeunes publics. Par son respect du public visé, par l’amour apporté à ses personnages par son réalisateur, par la vraie noblesse qui ressort de son scénario, et, plus que tout, par la facilité amenée au rang d’art de Rob Reiner de traiter de l’humain avec un grand « H ».  Et le Gentleman le prouvera une fois pour toute avec son film suivant, l’incomparable « Quand Harry rencontre Sally », perfection de comédie sentimentale. Replonger dans ces perles du cinéma américain des années 80, c’est découvrir que le cinéma peut être populaire et d’excellente qualité. Et mis à part les productions Pixar et quelques rares films ( « Pirates des Caraïbes » donc, mais aussi le premier « Momie » ou le travail de Peter Jackson ), c’est une équation qui a disparue depuis trop longtemps. Triste réalité…

Publié dans Films en vrac...

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M
Très intéressant en effet ^__^<br /> Je suis contente de voir que ce film n'a pas été oublié! Il a bercé mon enfance au même titre que des films tels que "L'histoire sans fin", "Willow", etc, et je le regarde toujours avec plaisir en en appréciant tout l'humour!<br /> Merci pour l'article :) Cela m'a donné envie de le revoir (encore) tiens!
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C
Billet intéressant<br /> Amitié de Bruxelles
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