" Dark Crystal " : un bijou oublié...

Publié le par Wolf Tone

Ce serait con de ne pas parler de certains films, uniquement parce qu’ils ne sont pas le reflet de notre société en un temps X, ou parce qu’ils ne sont d’aucune actualité, non ? J’ai donc décidé de faire une nouvelle catégorie, un truc plein de tous ces films soit oubliés, soit inconnus, qu’on ne cite que trop rarement… Juste pour le plaisir de se faire plaisir….

 

J’ai un Mystic à la maison. Ouais. Il marche en faisant front au vent, s’arc-boutant sur sa canne… Personne n’en voulait, et c’est ce qui le fit atterrir chez nous, trônant fièrement dans notre salon. Personne n’en voulait parce que personne ne semble se rappeler d’eux. Pourtant, si on parle de « Dark Crystal », les choses s’améliorent, d’autant plus que le film fêta ses 20 ans il y a un peu moins de 6 ans, et que quelques irréductibles continuent de le classer parmi les plus grands films d’héroic fantasy.

Dans un autre temps, le monde est devenu aride suite à la perte d’un morceau du Crystal de vie. Depuis, les Skeksis, pourtant seulement au nombre de 10, règnent sur des terres arides, alors que leur alter ego les Mystics, également 10, tentent de vivre en harmonie avec le monde. Pour rétablir l’équilibre, et empêcher les Skeksis de régner éternellement, le jeune Jen, dernier représentant de la race des Gelfins, va devoir ramener l’éclat de cristal au sein même du royaume des Skeksis…

Film de quête, de légende, « Dark Crystal » est surtout un film de marionnettes hors du temps, l’œuvre de trois hommes se réunissant après le travail de deux d’entre eux sur la première trilogie « Star Wars » : Jim Henson, Franck Oz et Gary Kurtz. Les deux premiers se rencontrèrent en 1969, pour la création de « 1, sesam street », suivi de près par l’immense « Muppets Show ». Deux maîtres marionnettistes, dont les noms restent pourtant pour la majorité des gens inconnus, alors qu’ils ont bercé plus d’une enfance. Oz participa aussi à la création de Yoda dans « Empire strikes back », où il rencontra le troisième ; un producteur, mais un producteur à l’ancienne, un des rares à s’impliquer artistiquement dans les films auxquels il participe. Il fut l’homme derrière le « Macadam à deux voies » de Monte Hellman, mais surtout, il restera à jamais le garant de la qualité de « Star wars : a new hope » et « Empire strikes back ». Il est d’ailleurs évident que sans lui, la trilogie aurait senti le sapin. La dramaturgie du second épisode, son côté sombre, Kurtz pourrait les revendiquer. Mais face à un Lucas de plus en plus calculateur et loin de ces considérations d’auteur, Kurtz quitta le navire et laissa le petit Georges faire mumuse avec ses peluches dans le largement moins bon « Return of the Jedi ».

Voilà donc 2 hommes, Oz et Kurtz, voulant aider Jim Henson à faire l’inimaginable : un film de heroic fantasy entièrement joué par des marionnettes. Pari fou, comme l’était la trilogie de Lucas, ou, dans une moindre mesure, le road movies de Hellman. S’entourant aussi de Oswald Morris, chef op’ attitré de John Huston, ayant déjà travaillé avec Henson sur le troisième long des Muppets, de Trevor Jones, qui venait tout juste de faire sa première composition pour le cinéma avec l’énorme « Excalibur » de Boorman, et de Harry Lange, chef décorateur de « 2001, l’odyssée de l’espace » et de… « L’empire contre attaque », Henson est à la tête de l’équipe idéale, parfaite pour une entreprise aussi ardue.


De cette rencontre entre jeunes talents plus que prometteurs ( Lange, Jones ) et vieux loups idéalistes ( Henson, Oz, Kurtz ) naîtra donc un bijou de poésie inégalé, un joyau au charme éternel. La capacité de Henson à faire naître l’empathie dés le premier regard sur ses personnages ( les Mystics sont la sagesse même, Jen et Kira, nos deux jeunes héros, sont des anges, et les Podlings, peuple fêtard et réduits à l’esclavage, sont totalement adorables ), et le souci du détail de Lange dans ses décors font des merveilles, aidés par le score de Jones, féerique et mélancolique en diable. De plus, il est clair que certaines séquences du film sont des réminiscences de la trilogie « Star Wars » ( Jen/Luke Skywalker face au Maître Mystics/Yoda au début du film, les décors… ) dans ce qu’elle avait de plus fort, de plus proche de la fantasy. Quant au Skeksis et à leurs soldats scarabées, les Gartims, la répulsion provoquée par les premiers et la menace des seconds ne font que souligner la cohérence de l’ensemble : méchants, gentils, bestiaires, il faudra attendre la trilogie des Anneaux de Peter Jackson pour qu’un tel équilibre se retrouve une nouvelle fois à l’écran. Car bien que Henson retentera l’expérience avec son « Labyrinth » 3 ans plus tard, juste après la tentative superbe mais inégale de Ridley Scott et son « Legend », il manquera à chaque fois cette beauté formelle, cette poésie constante, et cette cohérence artistique qui porte « Dark Crystal » de bout en bout.

 

Publié dans Films en vrac...

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article