Don’t You, tata, forget about me, ta, don’t, don’t, don’t…

Publié le par Wolf Tone

Doooonn’t, don’t you, tata, forget about me… Ahh… Simple Minds, les eighties et leurs coupes de cheveux in ze wind, la new wave comme étalon d’une contre culture propre sur elle… Vu d’ici, de notre cher XXIième siècle, pas grand chose à tirer si ce n’est des souvenirs nostalgiques pour trentenaires qui ne s’assument pas. A force de faire des flash back comme celui ci, je vais être classé réac’ ringard, mais vous ne pouvez quand même pas dire le contraire : quelle putain d’époque pour le cinéma dit « familial » ! Après Reiner, impossible de ne pas parler du père du TeenMovies, le gars qui mit sur pellicule les plus beaux moments cinématographiques parlant de l’adolescence, de ses problèmes existentiels et de ses boutons sur la gueule : John Hugues, l’homme qui nous pondit en à peine plus de 2 ans non seulement ce cultissime « Breakfast Club », mais aussi dans la foulée « Une créature de rêve » et « La folle journée de Ferris Bueller » ! Merde, quand même ! Me dîtes pas que vous avez oublié ces bijoux ! Car malgré un côté résolument vieillot, la filmographie de notre bonhomme reste à ce jour inégalée…

Par contre, il vaut mieux ne pas trop se pencher sur l’homme Hugues. A force de réécrire à foison les script des autres ( faut pas oublier que c’est un vrai boulot à plein temps outre Atlantique ), il ne fait son choix pour les films d’ados que par une sorte de volonté mercantile, par nécessité de se trouver une niche encore assez vierge, et surtout bien souvent sans profondeur. D’où un paradoxe évident : comment un cinéaste peut il écrire, produire et tourner des monuments de teenmovies uniquement pour le fric ? John Hugues déclara avoir voulu faire mieux que des bandes comme « Risky Business » et « Wargames » qui lui semblaient bien trop légère psychologiquement, et, si le succès était au rendez vous, se spécialiser dans le domaine. Comme quoi, même en partant d’un projet purement commercial, on peut donner naissance à de sacrées bombes… Et, malgré un aspect désuet parfois encombrant, « Breakfast Club » EST une sacrée bombe.

Un petit coup d’Allociné ? Allez… « Cinq lycéens aux caractères totalement opposés se retrouvent en colle un samedi après-midi. Au fur et à mesure que la journée passe, ils discutent, se déchirent et finissent par se trouver plus de points communs qu'ils ne pensaient. ». Comme je respecte le type qui se coltine les résumés… Bref. Ces 5 jeunes, c’est Claire la bourge, Bender le rebelle, Andrew le sportif, Allison la paumée et Brian le surdoué. Ajoutez à ces stéréotypes le sale prof Richard Vernon et Carl le concierge vachement sympa. Autant dire que Hugues n’y va pas de main morte avec les idées reçues, et disons le franchement, l’ensemble est assez prévisible. Alors quid de ce qui distingue ce film de la foultitude des autres sur le même sujet ? Deux choses fondamentales : il est un précurseur, le premier à donner autant corps aux malaises des ados, et ses dialogues font mouches quasiment à chaque fois, provoquant l’éternelle empathie que nécessite ce style de challenge. Parce qu’il faut oser le huis clos entre djeuns…


John Hugues donne le « la » dès son générique : sur LE rythme basse / batterie des Simple Minds, il défile sur fond noir avant qu’apparaisse une citation de Bowie, « …et ces enfants sur lesquels vous crachez alors qu’ils essaient de changer leur monde, n’entendent plus vos conseils… » ( que ceux qui savent de quelle chanson est tirée cette phrase viennent à ma rescousse… ). Puis le panneau vole en éclats, découvrant l’entrée du Lycée Shermer, souligné d’une voix off : « Samedi 24 mars 1984, Lycée Shermer, Illinois, 60062 ». La musique marque son époque et son état d’esprit, l’insert de Bowie donne clairement le message ( ainsi que l’explosion ), et la voix off date les évènements comme s’ils étaient à retenir, comme si ces 8 heures de colle allaient effectivement changer leur monde. John Hugues ne laisse aucun doute sur sa volonté de faire un film non pas sur les ados, mais POUR les ados, pour leur dire qu’il les comprend. Il va même jusqu’à enfoncé le clou dans les secondes suivantes en faisant lire à Brian en voix off la dissertation qu’il rendra au nom des autres élèves à la fin de la journée. C’est diablement efficace, mais aussi terriblement prétentieux : Hugues met la barre très haut, s’imposant de réussir, de faute d’avoir menti à son public.






Par la suite, la construction du film n’apporte aucune révolution, de la même manière que les caractéristiques des personnages sont plus que convenus. Hugues s’en fout. Pourquoi donc en faire plus ? Le postulat de départ est déjà assez gros comme ça ( de tels cas en colle le même jour, ça tient du miracle ), pourquoi en rajouter ? Puis ce qui intéresse notre homme, ce n’est pas le système éducatif ( il n’y fait que très peu allusion ), mais le malaise des jeunes, et le jeu cruel des apparences.

Là aussi, Hugues fait son choix très rapidement : ce sera Bender le personnage à suivre, le héros s’il devait en avoir un. Judd Nelson, comédien à la tronche de Robert Downey Jr, est un beau brun ténébreux, un gars qui chante « Cocaïne » version JJ Cale, et colle des photos de Scorpions et des Doors dans son casier. Véritable mec à la cool, il va être le détonateur, celui qui bousculera les idées reçues des 4 autres, provoquera les confidences. Et il sera même le porte parole des asociaux, ceux qui semblent perdus aux regards de l’éducation et de son système ( quasi carcéral pour Hugues : une banderole sur laquelle est écrite « Liberté pour Tous » dans le couloir, un plan sur un cahier rempli de « Help », et, bien entendu, le contexte des heures de colle ), lors de ses deux accrochages avec Vernon. Moment édifiant d’ailleurs lorsque Vernon / Flic dit clairement à Bender / Délinquant qu’il sera un jour ou l’autre sur sa route, et qu’il lui réglera son compte. Bender a peur, demande si ce sont des menaces, ce à quoi Vernon répond : « Pourquoi ? Tu comptes faire quoi ? Je suis respecté, et toi, t’es qu’un tas de merde ! ». L’adulte comme ennemi, qu’il soit parent ou encadrant. Le gosse comme incompris. Les deux seront au cœur des confidences, avec leur lot de pression.

Et ce sont elles, ces pressions, qui ont poussé quasiment tous les protagonistes à faire la connerie qui les mena en colle. Pression du père pour Andrew, des parents pour Brian, de la société pour Bender, elles sont toutes crachées, dégluties avec plus ou moins de violences au fil du métrage. Splendide retournement de ton lorsque Bender, après avoir imaginé la vie paradisiaque de Brian « l’enfant que toute mère mouillerait d’avoir », mime l’enfer de son foyer, son père alccolique et violent, sa mère absente. Superbe confidence de Andrew, dans un des rares moments de paix du film, qui parle de la difficulté d’être un homme aux yeux de son père ambitieux à outrance pour son rejeton. Hugues nous pond là des moments éternels, des états de grâce du cinéma intimiste, des portraits bourrés d’émotions d’ados paumés. De l’incapacité de s’avouer vierge à celle d’accepter d’être heureux, du besoin atrocement douloureux de reconnaissance, à la cruelle vérité des barrières sociales si difficiles à faire sauter lorsqu’on dépend autant du regard des autres ( la scène, douloureuse car trop franche, où Claire tente d’expliquer pourquoi tous s’ignoreront dès le lundi suivant, malgré leur amitié naissante, est et restera à jamais d’actualité ), le réalisateur nous dresse une liste quasi-exhaustive du mal être, de la recherche, de la perception de soi chez les gosses. Et histoire de nous faire respirer, il glisse de temps à autres des moments de complicité ( du simple air sifflé en cœur à la partie de fumette hilarante ) pour nous rappeler ce bonheur d’être jeune.

Bien entendu, à trop vouloir être dans l’air du temps, « Breakfast Club » se coupe de l’évolution du monde, et garde les stigmates parfois gênant des années 80. Le look des ados, les moments clippesques assez ridicules sur des chansons ringardes risquent de provoquer des rires gras aux gosses qui le regarderont de nos jours. Mais une fois passé le cap, la profondeur de tout ce qui nous a été donné de voir reste longtemps en nous. Principalement cette phrase de Allison ( le titre de Green Day, « Basket Case », qui signifie détraqué, est inspiré de ce personnage ) :

 -          Quand tu grandis, ton cœur se dessèche…

Heureusement que John Hugues, par la magie du cinéma, est là pour que cela ne nous arrive jamais.


Publié dans Films en vrac...

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