Critique " Babylon A.D. "

Publié le par Wolf Tone

Bon, va falloir qu’on discute tous ensemble. Pourquoi vous lui en voulez tant, à Matthieu Kassovitz ? Ok, il est bien loin le réalisateur de « Assassin(s) », de « La Haine », faut il pour autant le jeter à la baille ? Parce que j’en ai entendu, des saloperies sur son « Babylon A.D. » ! Alors moi, vous me connaissez, une bonne blagounette sur grand écran, c’est pas fait pour me déplaire… Mais voilà : le dernier né du Kassovitz version U.S.A. n’est pas la merde que beaucoup dénoncent.

Petit retour sur l’histoire : Toorop ( Vin Diesel, qui s’en sort avec les honneurs ), vétéran devenu mercenaire, est contacté par Gorsky ( Depardieu père, franchement dispensable ) pour une mission limite suicide : convoyer Aurora ( Mélanie Thierry, solide ), une jeune femme, de l’Est dévasté par les guerres vers l’Ouest, encore intact…

Alors bon, c’est sûr, Dantec a du bien se marrer à la vision de l’adaptation de son roman « Babylon Babies ». Moi qui n’est lu de lui que « Les racines du Mal » et « Villa Vortex », je me doute bien que c’est plus proche de l’inspiration que de la transcription. Tout comme je sais, et les lecteurs de ce génie imbuvable ne me contre diront pas, que les romans de l’écrivain sont tout simplement inadaptables. Pourquoi attendre l’impossible de Kassovitz ?  D’autant plus que le réalisateur lui-même a déclaré que le pavé aurait demandé « un film de 6 heures et 500 millions de budget ». Une question reste en suspend tout de même : pourquoi tenter ? Peut être pour satisfaire des producteurs qui voulaient un film d’action avec un cerveau. Peut être par goût du défi… Le fait est que le film n’a pas la puissance de ce que peut écrire Dantec.

Puis plein de petites choses déconnent, et certaines gravement. Les défauts mineurs, ce sont les participations de Gérard Depardieu, Charlotte Rampling et Lambert Wilson. Etant donné qu’ils ne sont pas trop souvent à l’écran, c’est pas ça qui gâche le film, mais on aurait très bien pu se passer de leur prestation en surjeu ( allez, sauf peut être pour Wilson… ). C’est aussi quelques choix visuels malheureux, comme le look des hommes de main de Gorsky ( de vrais motards tout kitsch sortis des sous « Mad Max » italiens des années 80… Madre mia… ), ou les pirouettes en scooter des neiges ( Toorop arrive tout de même à lâcher un missile en zigzaguant, trop fort ! ). Quant au pire, c’est la totale illisibilité des scènes d’actions ( alors que les combats eux même semblent assez bien chiadés ), et un gros problème d’équilibre entre première et seconde partie. Grosso modo, entre les moments où ça pète et ceux où ça parlotte.

Mais je ne vais pas abattre l’animal sans lui donner une chance. Et pas uniquement parce que je suis un chic type, mais aussi parce qu’il y a de bonnes choses dedans. Vin Diesel d’abord. Oh, je vous entends déjà glousser, mais j’assume : Vin « Riddick » Diesel est un vrai bon acteur de film d’action, avec un charisme dément et une voix d’outre tombe. Pour le coup, il colle parfaitement au rôle du désabusé et violent Toorop, et retrouver cette grande masse monolithique, moi, ça m’a fait du bien. A cela on ajoute une vision assez réussi d’une Europe de l’Est dévastée par la guerre, crasseuse et sauvage. Ca, c’est d’ailleurs une des grosses fixettes de Maurice G. Dantec, l’Est comme brasier initial du chaos à venir. M’enfin, bon, de la part d’un mec qui a joué avec l’extrème droite… Enfin, ne crachons pas non plus sur certaines séquences suffisamment tendues pour nous tenir en haleine ( dont la principale reste tout de même celle du sous marin ).

Je vous repose donc la question : c’est quoi le principal défaut de « Babylon A.D. » ? De vous ( allez, nous ) avoir déçu sur l’adaptation d’un roman inadaptable ? De voir Kassovitz faire ce qu’il fait tout de même depuis « Les Rivières Pourpres », à savoir depuis 8 ans ? D’avoir des défauts d’actionner, sachant que c’est un actionner ? Moi, je me rappelle des « Fils de l’homme » de Alfonso Cuaron. Tout le monde a crié au génie, un vrai grand film d’anticipation. Ma belle et moi, on a pris notre pied devant la qualité démentielle de la mise en scène, mais on a été d’accord sur un point crucial : le scénario ne voulait simplement rien dire. Et j’enfonce le clou aujourd’hui : le scénar’ de « Babylon A.D. » est deux fois plus solides que celui de Cuaron. Reste à Kassovitz d’arrêter de pomper ce que les américains ont de plus moyens pour se laisser aller à être un brin lui même. Car le même film avec le même scénario sans les poncifs visuels, ç’aurait été une bombe. J’assume.

Bon, la prochaine fois je vous parle de « Spirits », aka « Shutters ». J’suis trop gentil ces derniers temps, faut que je me fasse les crocs…

 

Publié dans Critique Cinéma

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