Critique " Solitaire " aka " Rogue "

Publié le par Wolf Tone

C’est pas simple, pas vrai ? Non, vraiment pas simple de s’attaquer aux films d’horreur animalier, surtout lorsque l’ambition première est de rester dans le naturalisme… Greg Mc Lean a pourtant tout pour réussir le pari fou d’une bande axée sur un crocodile sans effet tapageur, avec cette approche réaliste qui était à la base de son extraordinaire « Wolf Creek ». Mais il a fait le choix aussi du film d’aventure, et là…

Un journaliste, Pete Mc Kell ( Michael dans la série « Alias » ), part avec d’autres touristes sur le bateau de Kate ( Radha Mitchell, l’héroïne de « Silent Hill » ) pour une petite croisière fluviale en Australie, dans le Kadaku National Park. Un moment de félicité salopé par l’attaque d’un crocodile maousse costaud, qui coule l’embarcation, et les oblige à squatter une île aussi petite que le monstre est énorme.


Vous commencez à en avoir l’habitude : j’aime les intros qui ont un sens. Ici, le film débute avec l’attaque d’un buffle par un crocodile, dans le plus pur style « documentaire animalier ». Simple et diablement efficace, ces quelques minutes permettent de foutre la tension avant même d’avoir vu le moindre être humain. Le danger existe, il est connu de tous, et a la fâcheuse tendance d’être vachement silencieux… Là réside la grande force de « Rogue » : on va pas vous refaire le coup de l’anaconda en CGI foireux, qui apparaît toutes les trente secondes. Non, notre copain le saurien, il passe le plus clair de son temps à se cacher, venant happer du beauf sans faire de bruit. Et si effectivement, il montre de plus en plus souvent sa carrure de dinosaure, c’est bêtement parce que nos copains les survivants doivent prendre de plus en plus de risque pour se barrer fissa. Choix scénaristique judicieux, car c’est bien connu, moins on en voit, mieux on se porte ( remember « Jaws » premier du nom… ). Et si en plus, on ajoute la grande capacité de Mc Lean à filmer en voyeur, avec une mise en scène accès sur l’instant, on atteint une sorte d’équilibre quasi parfait entre le drame et l’horreur, le témoignage et le fantastique. Quasi parce que le choix du huis clos ne permets pas d’être à 100% ancré dans le réel ( écueil déjà présent cette année dans le « Ruins » de Carter Smith ) : tenir le spectateur en haleine 1 h 38 durant sans renouvellement des ressorts dramatiques, c’est plus un pari, c’est un suicide… Mais, bon, Mc Lean s’en sort avec les honneurs sur ce tableau ( putain, cette scène « de la corde », mazette ! ), à la différence de son escapade dans l’aspect aventure…

Si ce « Solitaire » était attendu, c’est parce que tout ceux qui ont vu « Wolf Creek » se sont dit : « Whoua ! Un film de croco réaliste et noir ! Le pied ! ». Ben non. Monsieur nihilisme total a dû mettre de l’eau dans son vin, car un film d’aventure ne peut pas se terminer dans un noir abyssal. Il faut de l’espoir, il faut un héros, il faut… décrocher du réel ? Bingo. Et ça, ça colle pas avec l’univers de notre gars. La partie finale, non contente de se dérouler dans un autre lieu, semble n’exister que pour remplir un cahier des charges quelconque. En décalage presque total avec le reste du métrage, elle nous permet peut être de voir enfin ce crocodile splendide qui chassait jusqu’à présent dans l’ombre, mais elle frôle surtout d’un peu trop près un académisme bon enfant des films de monstre bas du chapeau.

Alors, choix du réalisateur, pressions des studios ? Apparemment, la seule personne fautive pour ce faux pas embêtant n’est nul autre que Mc Lean lui-même. Gênant pour ceux qui, comme votre serviteur, voulaient ressentir le frisson réaliste de sa précédente prod’ non pas sur les deux tiers, mais sur l’ensemble du métrage.

Très bon film dans ses grandes largeurs, « Solitaire » se fourvoie un peu dans sa fin. Mais une chose est certaine : Mc Lean est tout de même à suivre comme un auteur à part entière, une espèce de Paul Greengrass du cinéma de genre. Seul bémol : il se tâterait pour savoir s’il doit réaliser ou non une suite à la tuerie « Wolf Creek ». Et un réalisateur qui tourne en rond, aussi prometteur soit il, c’est un réalisateur qui se met en danger…

Publié dans Critique Cinéma

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