Critique " Batman : The Dark Knight "

Publié le par Wolf Tone

Dantesque. Epique. Tragique. Proche d’une perfection que le cinéma de genre n’a fait que frôler, et à chaque fois avec des géants derrière la caméra : Kubrick, De Palma ou Friedkin. L’exploit est d’autant plus grand que c’est bien d’un vrai film de super-héros, à la différence du « Incassable » de Shyamalan. « Batman : Dark Knight » est devenu le maître étalon d’un genre pourtant dit comme étant populaire, avec une maestria digne d’un classique. Ancrée dans son époque, assumant totalement son statut de blockbuster, l’œuvre de Christopher Nolan est presque unique, et risque fort de le rester longtemps…


Ce second volet de sa saga « Batman » est le point d’orgue d’une fusion entre son travail que nous présenterons comme « classique » ( « Insomnia », « The Prestige » ), et son autre facette, plus nerveuse ( « Batman Begins » bien entendu, mais aussi « Memento » ). Le travail énorme sur la bande son, proche de ce que sait faire Lynch, grinçante, sourde, se marie du coup avec des lumières tantôt glaciale, tantôt chaude : équilibre son / lumière parfait, amenant une cohérence artistique nécessaire pour garder le spectateur en tension sur 2 h 27. Là où Gotham City n’avait jamais réussit dans le premier volet à prendre toute son ampleur, voilà que la ville infernal imprime la pellicule comme Los Angeles dans le « Heat » de Mann. Hormis que L.A. existe, elle. Et la ville de Bruce Wayne de prendre vie sans que jamais nous ne doutions de sa réalité. Puis il y a la gestion du temps : pensé comme une véritable œuvre dramatique, le scénario installe ses personnages calmement, permettant du coup, par exemple, au personnage de Harvey Dent de monter en puissance, en hargne. La longueur du métrage devient alors une évidence : comment aurait il pu en être autrement ? Comment développer la lente chute dans le chaos de toute une ville ? Enfin, il y a l’amplitude de sa mise en scène, qui n’hésite pas à respirer elle aussi, à s’envoler en d’immense plan large, à ne pas passer le cap maudit des gros plans étriqués à la mode ces dernières années. Pleine d’oxygène, sa caméra semble aussi triste que la ville meurtrie, avant de voltiger lorsque l’action le nécessite.


Reste le monument Joker. Heath Ledger restera à jamais l’alter ego du chevalier sombre. Christian Bale en Bruce Wayne, Aaron Eckhart en Harvey Dent, aucun des deux ne pouvaient rien faire face à la prestation énorme du comédien décédé le 22 janvier 2008. La faute peut être à Nolan qui commet ici sa seule erreur : ne pas avoir su mettre au même niveau la part sombre de Batman et la schizophrénie meurtrière de son bad guy. Car là où apparaît le Joker, tout s’efface. Ledger bouffe l’air, captive, dresse nos poils au garde à vous à chacune de ses apparitions. Inutile de le comparer à celui de Burton. Non pas que Nicholson ne soit pas à la hauteur, plutôt parce que l’approche réaliste de Nolan est à l’extrême opposé de l’univers décalé de notre gothique d’apparat préféré. Le réalisateur ne nous propose pas une évasion, un bol d’air dans un monde avec des gentils et des méchants, il nous traîne dans les tréfonds de l’âme humaine, là où c’est noir, là où la frontière entre justice et vengeance est si fine qu’elle s’efface presque d’elle même. Il y a du « Live & Die in L.A. » dans ce film, par sa puissance évocatrice, de la noblesse aussi, la violence de la tristesse surtout. Thèmes déjà abordés dans le « Begins », la vengeance et la haine sont cette fois poussées presque à l’extrême…


Le film est indéniablement noir, et ce grâce à ce anti-héros qu’est le Joker. Mais impossible pour Nolan de passer cette fameuse « ligne rouge » que la pègre de Gotham City semble avoir franchie d’après Wayne. Parce que Batman DOIT être un héros. Du coup, s’il lâche totalement la bride au personnage de Ledger, il ne peut le faire avec celui de Bale. Il va d’ailleurs jusqu’à donner de l’humanité à des citoyens de Gotham City, alors que nous attendions un grand moment de nihilisme ( la scène avec les deux ferries ). Mais comment alors sauver la part d’humanité de Bruce Wayne ? Nolan n’avait pas le choix : s’il voulait que Batman reste un héros, il devait mettre un peu d’eau dans son vin. Nous perdons alors la possibilité de voir sur grand écran un morceau de désespoir qui aurait fait date dans l’histoire du cinéma, pour gagner l’espoir peut être vain de voir Nolan nous livrer un troisième chapitre aux aventures du Cap Crusader.

A croire que « Batman Begins » n’a jamais était autre chose que le laboratoire dans lequel Nolan a expérimenter les ingrédients de « Batman : Dark Knight ». Car il est fort à parier que la vision consécutive des deux films ne fera que souligner les défauts du premier acte. Malheureusement, comment en imaginer un troisième ? Aucun comédien ne pourra prendre la relève de Ledger sans provoquer une fatidique comparaison. Et à moins que Nolan accepte enfin de passer réellement cette fameuse ligne rouge, il n’existe pas de scénario qui pourra être à la hauteur de celui qui nous est présenté aujourd’hui. Il y a donc de grande chance que nous soyons orphelins et d’un comédien exceptionnel, et de ce qui aurait pu être une franchise digne, voire supérieure à celle des « Alien » 1 à 3. Une série qui aurait marqué au fer rouge le cinéma de genre. Il nous restera tout de même l’avènement d’un grand Monsieur du cinéma, et la naissance d’une légende : Heath Ledger. 

Publié dans Critique Cinéma

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Tout est dit, 100% d'accord, un film éblouissant qui donne le vertige. Ce JOKER est ultime, impossible de passer derrière, comment imaginer quelqu'un d'autre !<br /> <br /> UN TRES GRAND FILM !
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