Critique " Hellboy II "

Publié le par Wolf Tone

Une femme a frôlé la mort hier soir. Lorsque j’ai vu les spectateurs sortir leurs appareils photos une fois arrivés dans la salle 6 de l’UGC Forum des Halles, cette blonde pourtant sympathique m’est apparue, alors qu’elle prononçait cette phrase : « Non, vous ne pourrez pas apporter d’appareils photos, non… Puis Guillermo del Toro ne sera là que quelques minutes, alors… Je le sais, j’y serai ! ». Ce fut elle qui occupa mes pensées alors que nous attendions tous fébrilement l’arrivée du réalisateur-juste-derrière-Peter-Jackson-dans-mon-cœur. Parce qu’à cause d’elle ( et de ma connerie, je le conçois ), vous n’aurez pas les photos de l’avant première. Mais je vous jure que j’y étais. J’Y ETAIS.

 



Et l’explosion fut énorme, tandis qu’un M. Loyal quelconque retraçait la carrière du plus beau des gros, et que celui ci se tenait dans l’ombre. « Va falloir faire le silence, si vous voulez que M. Del Toro se joigne à nous… ». Instantanément, tout le monde se tait, sans pour autant écouter le récit de sa filmographie que tous, dans la salle, nous connaissions par cœur ( le succès cannois de « Cronos », son premier film, la douloureuse expérience des studios avec « Mimic », son premier film perso « L’échine du Diable », la prise de pouvoir avec « Balde II », la confirmation de « Hellboy », et la consécration du « Labyrinthe de Pan » ). Non, nous, on regardait le monsieur en noir, là, dans le coin de la salle, on voulait voir le type qui nous a filé tant de bonheur de geek durant toute sa carrière. Et enfin, ENFIN, l’entrée dans la lumière, l’ovation, le sourire qui dessine une bien belle banane d’une oreille à l’autre, sur son visage comme sur le notre. Son speech ? Rien de bien nouveau, juste ce qu’il répète à chaque fois qu’il parle de Hellboy, que c’est le personnage le plus proche de sa petite personne, que, malgré les budgets conséquents, les deux films restent pour lui des œuvres personnelles. Quelques minutes de bonheur vraiment partagées, et puis parti M. Del Toro, sans que je puisse éterniser le moment, sans pouvoir vous filer un petit cadeau. Mais il aurait fallu que je le suive. Il aurait fallu que je quitte la salle derrière lui. Parce que ce qui allait suivre, sans être honteux, allait me ramener sur Terre.

Hellboy et Liz sont ensemble. Mais c’est pas à proprement parlé le grand bonheur. Puis Hellboy, il veut toujours faire partie du monde, ne plus se cacher des hommes. Puis Abe est toujours là, et Hamming a pris la tête du BDRP. Et un elfe, qui en a marre de voir son peuple enfoui sous Terre, vivre dans les égouts, alors qu’il est vingt fois plus puissant que le notre, se met en tête de prendre le pouvoir de l’Armée d’Or, 70 fois 70 soldats indestructibles…

Dur, pas vrai ? Oh, pas l’histoire, elle recèle de plein de possibilité, non, son traitement. Car dans l’ensemble, ce ton niais d’histoire de gosse mal dégrossi, c’est celui qui nous reste coincé dans la gorge à la sortie de la séance. Et pourtant je l’aime, le Del Toro. Pas un de ces films ne m’a déçu jusqu’ici. Un inconditionnel, je vous dis. Mais qui dit « Hellboy II », dit comparaison avec le « HB I ». Impossible de faire autrement. Et c’est fou de voir tout ce que Del Toro n’a pas réussi à réitérer.  

Quel est donc le pire ? Le manque d’équilibre entre humour potache et drame ? Ou le fait de LOUPER la partie dramatique ? Dans le premier, la mort de Trevor Bruttenholm, l’amour impossible entre Hellboy et Liz, la mort puis la résurrection de cette dernière, chaque passage grave avait la puissance nécessaire pour nous tenir en haleine, nous faire verser une p’tite larme. Et l’humour, certes pas des plus finauds, n’en demeurait pas moins suffisamment dilué dans le script pour nous rappeler que la première inspiration du réalisateur, c’était peut être du côté de Spielberg et des « Aventuriers de l’Arche perdue » qu’il fallait aller la chercher ( la scène d’intro de HB I en était d’ailleurs un sacré hommage ). Or, dans le deux, la mayonnaise ne prend pas : Del Toro oublie de nous replonger dans l’ambiance, il nous projette dans les bureaux du BDRP avec d’emblée un pauvre gag sur l’appétit gargantuesque de son héros. Là où la relation Liz / Hellboy était un vrai moteur dans le 1er, elle devient dans le 2nd une banale histoire de couple un brin bancal. Et pire, Del Toro a même oublier ce qui avait été la grande réussite non seulement de son premier tome, mais aussi de « Blade II » : la difficulté d’être un monstre dans un monde bâti sur l’uniformité. Là, ça devient inquiétant : la filiation avec son Blade est évidente, le méchant du jour, le prince Nuada, est l’alter ego de Jared Nomak, le vampire bâtard voulant prendre le pouvoir sur son peuple. Il va même jusqu’à prendre le même comédien, Luke Goss ! Mais jamais il ne sème le doute dans l’esprit de Red / Ron Perlman. Les thèmes de la filiation ou de l’appartenance à une race sont tout bêtement bâclés. Et en plus de reprendre et le même type de méchant, et son interprète, la Mort semble sortie du « Labyrinth de Pan »… Guillermo Del Toro commence à se recycler, se répéter, il loupe l’arrivée dans la bande de Johann Kross ( aberrant de le voir passer du chef psychorigide au pote trop cool ), tout comme il loupe l’explication du départ de John Myers ( deux pauvres répliques pour un personnage central du tome 1, ça fait mal… ).

 

Oh, il nous reste tout de même de quoi mettre cet épisode là au dessus de la moyenne ( la séquence pré-générique, celle où Hellboy et Abe se bourrent la gueule, le combat final ), et d’autres détails plutôt négatif ( qui a donc choisi ce gosse tête-à-claque pour faire Hellboy jeune ?!? ) qui sont eux, plus pardonnable, mais pour tous ceux qui ont suivi la carrière de ce fanboy absolu, « Hellboy II » restera comme le premier loupé d’une filmographie quasi parfaite. Et dire que je peux même pas vous consoler avec des photos qui le font. La vie, parfois, la vie…

Publié dans Critique Cinéma

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