Critique " Martyrs "

Publié le par Wolf Tone

Là, j’ai un dilemme. Pour une fois, c’est pas l’impossibilité de trop en dire sur ce film, c’est clair, vous n’apprendrez absolument rien sur l’histoire, si ce n’est ce que vous pouvez lire dans la 1ière partie des « Sorties ciné du mois de Septembre ». Dire ne serait ce qu’une ligne sur le parcours de Lucie et Anna, c’est tué dans l’œuf tout le travail de montagne russe que nous offre Pascal Augier. Non, c’est juste que je ne peux pas vous pousser à le voir, quand bien même je le trouve au dessus de tout ce qu’à pu nous pondre le cinéma français con coronès depuis… toujours. Parce que je ne peux pas répondre à la question qui fait tout lorsqu’on affiche une telle ambition : pourquoi ? Pourquoi tourner cette histoire ? Pourquoi choisir d’aller sur des sentiers si casse gueule ? S’il y a bien une chose que « Martyrs » nous prouve, c’est la paire de couilles ( j’insiste lourdement, mais c’est si rare de nos jours ) de son tordu de réalisateur. Mais est ce suffisant…

Bon, l’histoire, vous êtes sensés la connaître : Lucie a été séquestrée durant des années avant de s’enfuir. Elle rencontre Anna dans l’hôpital qui l’accueille, et entre les deux petites s’installe une relation fusionnelle. 15 ans plus tard, Lucie se pointe dans une famille, et la décime entièrement, persuadée d’avoir enfin retrouver ses bourreaux. Vous venez de lire l’équivalent de peut être un cinquième du film. Et même en sachant ce postulat de départ, rien ne vous prépare à ce que vous aller voir. Laugier l’a dit, Laugier l’a fait, et uniquement pour cela, Laugier vient d’entrer dans mon panthéon des meilleurs du cinéma extrême. C’est réaliste, c’est un uppercut, c’est la certitude de fermer les yeux au moins une bonne dizaine de fois durant la partie « vengeance ». Pourtant, mon nouvel ami utilise ces trucs qui me font atrocement chier en temps normal, à savoir la caméra so near of les comédiens, le cadre qui bouge parce que toi aussi, spectateur, tu cours comme le héros. Mais il se trouve que sa gestion de l’espace, la sécheresse de ses effets font qu’effectivement, nous SOMMES proche des protagonistes, nous SUIVONS leurs mouvements. Certes, Laugier cale de temps à autres des petits trucs de films de trouille, mais souvent parce qu’il ne veut pas nous montrer ce qui nous découvrirons par la suite. Quant à Lucie, j’ai redécouvert une jeune femme qui m’était tout juste sympathique quelques heures plus tôt : Mylène Jampanoï. Vous ne regarderez plus jamais de la même façon la si douce héroïne des « Filles du botaniste ». Sauvage, paumée, effrayante, hystérique, elle nous balance à la gueule toutes les émotions extrêmes de cette situation jusqu’en boutiste. Si l’attaque de la famille fonctionne à merveille et tétanise, c’est en grande partie grâce à elle.

Puis tout bascule. Ce que vous venez de voir disparaît, pour nous laisser partir sur une autre piste, une autre possibilité. Copain Pascal se calme, pose de plus en plus sa caméra, distille une aura de film fantastique, de drame. Seconde grande nouvelle : ce type est capable de nous balader, de nous faire non pas un twist mais réellement un virage à 360°. Rien de fou, rien de surprenant, mais un choix judicieux qui relance totalement une intrigue qui aurait très bien pu souffrir de la durée du film si elle ne s’était pas renouveler. Dans la foulée, il tourne les projecteurs sur Morjana Alaoui. Noyée dans la folie destructrice de sa partenaire, Alaoui avait du mal à vivre dans la première partie. Il lui fallait son espace pour que l’équilibre entre les deux puisse exister. Et moi d’enfoncer le clou quant à la finesse dont est capable ce grand malade de Laugier en lui tirant mon chapeau pour avoir su mettre au diapason sa mise en scène. Plus calme, plus fragile, Alaoui arrive, dans son registre, à atteindre le niveau de sa comparse, et franchement, c’était pas gagné.


OR arrive la troisième partie. Celle de trop pour le spectateur, celle qui tend le bâton à tous les détracteurs qui s’en donne à cœur joie, en ne soulignant que le sang, la violence, bref la superficie, occultant, voire niant la force qu’a su donné à son film le jeune réalisateur. Mais ce qu’on ne peut pas nier, c’est le déséquilibre que provoque cette dernière partie, noyant l’énorme potentiel du reste du métrage. Premièrement, parce que ce qu’il veut nous montrer demande une rupture de rythme drastique, et ça, c’est vraiment chiant. Deuxièmement, parce que ces 30 minutes amènent des personnages secondaires beaucoup trop en deçà de notre superbe duo. Troisièmement, parce qu’elle tue dans l’œuf l’attente provoquée par TOUT ce qui avait été montré dans les deux précédentes. Et, par dessus tout, parce que Laugier nous balance une fin à message… sans message. On ne me fera pas croire que le réalisateur n’avait rien à nous dire. Tout ce travail perfectionniste pour arrivé à cette fin incompréhensible sans avoir derrière la tête un truc à nous confier, c’est tout bonnement impossible. Pire, on voit toujours sa capacité à coller sa mise en scène à son propos, il nous offre le moment le plus beau des 1 h 40 du film, Alaoui est toujours aussi troublante, mais on ne comprend ni pourquoi il se tire une balle dans le pied, ni le sens qu’il entend donner à ce titre énigmatique.


Bien entendu, certains dialogues, certaines scènes sont maladroits dans l’ensemble du film. Bien sûr, c’est sanguinolent, c’est agressif, sans être suffisamment subversif. Mais j’aimerais VRAIMENT avoir les quelques connards de journalistes qui ont descendu froidement le film. Certainement les mêmes qui se gargarisent sur un Cronenberg mou du genou, ou qui voient dans des merdes comme « Battle for Haditha » des films forts. Ah, comme c’est simple de balancer à la poubelle un film parce qu’il ressemble faussement à la masse des torture-porns des 3 ou 4 dernières années. C’est ça, pas vrai, vous avez mis votre cerveau en stand by lors d’une avant première où vous vous êtes pointés avec une critique toute écrite dans votre petit cerveau de scribouillard. Mais ce qui me fout les jetons par dessus tout, c’est que toi même Monsieur Laugier, tu as donné sans le vouloir pleins d’arguments à ces trou du cul dans ta troisième partie bancale. Toutes ces minutes si proche d’une certaine perfection pour nous balancer un final presque caricatural, c’est vraiment trop con.

Mais je crois en toi. Après « Saint Ange » et ses qualités indéniables de mise en scène, après « Martyrs » et sa puissance de feu jamais vu auparavant, ton troisième film sera une tuerie. Je serai là, au premier rang, comme aujourd’hui.

Et pour nos chers amis les journaleux ( pas tous, hein, j’ai lu des choses bien vues sur le film ), une petite photo d’un grand homme faisant un petit geste. A bientôt, les gars, à bientôt.

Publié dans Critique Cinéma

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