Critique " There will be blood "

Publié le par Wolf Tone

Commençons de manière ardue : There will be blood, de Paul Thomas Anderson. Vlan, ça le fait, non ? Non, parce que j’aurais pu commencer par IronMan, un truc gentil, pas bien compliqué, mais je me suis dit qu’il fallait que ça en jette, que ma première parlotte ciné se devait d’être un truc costaud…

Parce que c’est du lourd, le dernier P.T. Anderson. Un film austère, froid, violent. Comme s’il avait voulu faire son « A l’est d’Eden », son « Giants ». Il
a les atouts pour ça : il suffit de se rappeler son « Magnolia » pour avoir confiance en son sens du classicisme, de la beauté formelle. Par contre, y avait il eu des avertissements dans sa filmographie de cet aspect clinique ? Oui et non.

« There will be blood », c’est une épopée à l’américaine : puissance et déchéance d’un magnat du pétrole, Daniel Plainview. Point. Car Anderson ne fait rien pour nous faciliter la tâche. Conflit entre l’homme d’affaire requin et Eli Sunday, le prêtre évangéliste du patelin dont les sols sont imbibés de pétrole ? Les rapports difficiles entre les Plainview père et fils ? On voit les images qui nous racontent les confrontations, les comédiens ( Daniel Day Lewis en tête ) sont excellents, mais tout est si… froid ? Entre la musique ( toute en discordance, un vrai bijou de Jonny Greenwood de Radiohead ), le décors aride et sec d’une Californie bien loin des palmiers et des plages, et un scénario construit sur une multitude d’ellipses, tout semble avoir été fait pour nous perdre, pour nous imposer un recul si distant qu’il nous coupe des émotions.

Même lors de la scène pourtant très forte de la confession publique de Plainview dans l’église de Sunday, Paul Thomas Anderson nous tire violemment de ce début d’humanité par un seul gros plan, une seule réplique qui annihile notre identification fragile.

A première vue, rien donc dans ses précédents films ne nous avait préparé à une telle sécheresse, un tel manque d’identification. Et pourtant, à y regarder de plus prés, « Punch Drunk Love » avait en lui les graines de cette violence, de ce décalage. Bien entendu, je ne cherche pas à faire passer son précédent film pour ce qu’il n’est pas : « Punch Drunk Love » est une comédie sentimentale extrêmement touchante. Mais déjà, il avait fait preuve d’un vrai sens de la cassure, avec une violence ( physique, mais surtout psychologique ) qui nous laissait parfois l’impression que nous nous étions trompés de film. Anderson, avec There will…, n’a, à mes yeux, fait que pousser à son paroxysme ce décalage, en le rendant constant. La violence, autrefois sous-jacente, est devenue continuelle, dans les décors, la musique, les actes de ses personnages. Il a fait son expérience filmique, sa grande épopée pétrolière.

Mais nous permet il de pénétrer son univers ? Il s’en fout, apparemment. Son train passe, à son rythme hypnotique, superbe, troublant, mais il ne s’arrête pas. Nous ressortons de là frustrer de ne pas avoir pu y monter.

Publié dans Critique Cinéma

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